'L'Odyssée de Pi' est un de ces films qui défient toute classification. Il s'agit là, tout à la fois, d'un film d'aventure, du portrait d'une amitié, d'une fable, d'un récit initiatique et d'une réécriture du mythe de Robinson Crusoe. Mais la force du film d'Ang Lee ne tient pas seulement à son écriture, tantôt vibrant d'élans épiques, tantôt poétique. Elle tient surtout dans l'association parfaite de cette écriture et d'une mise en scène faisant un usage raisonné des effets spéciaux : l'une est constamment au service de l'autre, sans qu'à aucun moment l'une puisse prendre l'autre en défaut. 'L'Odyssée de Pi' représente à sa façon la quintessence de ce que peut être le cinéma en 2012 : tour à tour spectaculaire et d'une saisissante beauté, il ne recule devant aucun défi ni aucune prouesse sans jamais perdre de vue sa trame narrative. Qu'il s'agisse de filmer avec force le naufrage d'un cargo, de faire cohabiter un homme et un féroce tigre du Bengale dans l'espace étroit d'une chaloupe de sauvetage, ou de révéler la féerie d'une scène aquatique, Ang Lee ne se prive de rien. Jamais tapageur ni inutilement grandiloquent, il tire d'une intrigue finalement assez simple un film de deux heures sans longueur ni temps mort. Il se hisse à la hauteur d'un Spielberg ou d'un Cameron sans jamais donner l'impression d'en faire trop. La relation de l'enfant et du tigre, où l'on trouve à la fois le mythe littéraire de Robinson Crusoe et l'influence de Rudyard Kipling, est magnifique. Vrai, intense, grand et beau film-spectacle, 'L'Odyssée de Pi' renvoie à ce bonheur de raconter et de filmer qui est à la source même du cinéma. Jean-Marc Donnaes (sur Allo-Ciné)